Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

A vos magnétos ! J’ai revu « Louise en hiver » de Jean-François Laguionie. « Un film intimiste et délicat sur la solitude et le temps qui passe ». Hors des super-productions. Dans de jolis décors aux tons pastels, réalisés au fusain et à la gouache. On est bercé par le monologue de Louise auquel Dominique Frot prête la voix. Le scénario plein de nostalgie est truffé de références à l’auteur, à sa propre grand-mère, etc. Mais stop, allumez la télémontez le son (clic droit) et laissez-vous porter…

Fin de saison estivale à Biligen-sur-mer. Louise – 75 ans – loupe la dernière « micheline » qui reconduit les vacanciers dans leurs pénates. C’est un soir de grande marée. La marée du siècle ! Le ciel s’est assombri. Le vent balaie les rues dépeuplées. La pâtisserie, le salon de thé, le casino ont fermé. La cabine téléphonique est coupée. Le drapeau rouge flotte sur la plage.

Louise se claquemure dans sa villa. Les vagues envahissent les rues, inondent sa cave. Elle fouille ses placards, ouvre un flasque de rhum et se fait un bon grog avant de trouver le sommeil. Cette nuit-là elle rêve de déluge et de dérive.

Trois jours plus tard. Tout est calme. C’est l’été indien. La vie est partout. Les oiseaux ont repris leur manège sans se préoccuper d’elle. Elle attend le retour des touristes le week-end suivant mais rien ! Ils reviendront à Noël se dit-elle ! Elle est tout de même un peu contrariée mais imagine que quelqu’un, sa voisine, ses enfants, se rendra compte de son absence et viendra la chercher !

Alors Louise décide de quitter sa maison pour s’installer sur la plage. Elle fracture un magasin et s’y sert : vêtements, matériel de pêche, outils pour bricoler un cabanon façon cabine de plage. Bien sûr elle s’esquinte un peu les doigts mais ne se trouve pas si maladroite.

25 novembre. La vie au grand air lui convient bien. Elle ne sent plus ses rhumatismes. Elle écrit son petit livre de bord. Un journal intime où elle commente sa petite vie. Le plaisir de voir les paysages changeants. Sa routine : ménage, douche froide au club Mickey, pêche à l’épuisette, au crochet, repas, sieste, promenade et une fois par semaine, en habits du dimanche, la passegiatta sur la digue au milieu des fantômes des promeneurs, des joueurs de tennis, du casino, de son pianiste et ses danseurs. La nuit…elle dort comme un bébé.

Noël. Louise décide la veille de fêter du retour des vacanciers. Elle tend une banderole sur la digue, décore son cabanon, transforme une branche de bois flotté squelettique en arbre de Noël et déguste quelques huîtres arrosées d’un verre de vin blanc. Sur la plage elle a découvert une vieille malle contenant un exemplaire de Robinson Crusoé, un couteau suisse et un pantin désarticulé qu’elle accroche au sapin avec des guirlandes de coquillages et une étoile de mer au faîte. Mais elle est à nouveau déçue. Personne ne vient. Pire un hélicoptère survole la plage sans l’apercevoir. « Pourquoi ? » écrit-elle le lendemain sur le sable. Elle se sent définitivement abandonnée. C’est alors que les rêves, les souvenirs l’envahissent. Souvenirs d’une enfance de sauvageonne sur le littoral déjà chez sa grand-mère qui l’accueillit pendant l’occupation.

Février. Louise décide de jardiner quelques rangs de salades, de poireaux, de tomates au milieu du cimetière, seul endroit où il y a un peu de terre arable au milieu des dunes de sable. Les souvenirs sont de plus en plus précis : la basse court, le lance-pierre, les moissons, les courses folles sur les falaises avec un petit camarade qui lui a promis de lui apprendre à voler, ses conversations dans le Bois de Cise avec le cadavre suspendu d’un parachutiste allié. Puis le retour de sa mère qui l’arrache à ses joies simples pour la mettre en pension chez les sœurs. Et puis l’engrenage, le mariage, les enfants…la vieillesse. La « vieillitude ».

Au cours d’une promenade au milieu des dunes Louise a le pressentiment qu’il y a un autre naufragé sur la plage. Et en effet un vieux chien la rejoint. Elle aurait pu l’appeler « Mercredi » mais elle préfère « Pépère ». Ces deux-là deviennent inséparables. Louise lui confie ses états d’âme. Elle trouve de plus en plus injuste qu’on l’ait abandonné ainsi. Que personne ne soit venu la chercher. Qu’a-t-elle fait au juste pour mériter cela ? C’est de ses songes que vient une réponse surprenante : c’est parce qu’elle perd la mémoire !

Louise rêve alors d’un simulacre de procès où elle se trouve à la barre des accusés. Lorsqu’on lui demande de décliner son identité, elle répond qu’elle a tout oublié : ses parents, ses amants, ses enfants, sauf la sale bobine de son mari. Pour sa peine le procureur demande la solitude à perpétuité. Son avocat la défend en arguant que « les gens heureux n’ont pas d’histoire » et « qu’ils n’ont donc pas besoin de mémoire ». Punie pour avoir oublié la moitié de sa vie pense-t-elle !

17 avril. La grande marée des Rameaux amène la pluie. La cabane fuit de partout. Le jardin l’occupe à temps plein désormais tandis que Pépère fait des sienne et fugue quelques jours. Louise est malheureuse. Inquiète. Plus seule que jamais. Un matin elle se douche, s’habille joliment, met un collier de perles et s’enfonce dans la mer. Se laisse porter par les vagues puis couler. Se noie. Pépère la sauve des eaux in extremis. La vie reprend son cours…

1er juillet. On entend le sifflement de la « micheline ». Elle déverse sur la station un flot de juillettistes. « Si encore ils étaient revenus peu à peu, les uns après les autres, sans crier comme ils le font après les enfants. Ils n’ont pas l’air vraiment changé mais je les trouve un peu fatigué. »

Je ne sais pas vous mais moi je poursuivrai bien la soirée avec « La tortue rouge » …

 

Tag(s) : #CINEMA
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :