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Jean-Jacques Rousseau a contribué malgré lui au succès des robinsonnades. À en faire un classique. S’entend : un livre de classe qui sert de base d’étude à l’enseignement. Une mode que fustigera Karl Marx dans « Le capital ».

Tout commence avec « Emile ou de l’éducation » dans lequel Jean-Jacques Rousseau pousse un coup de gueule : « Je hais les livres, ils n’apprennent qu’à parler de ce qu’on ne sait pas. » Inouï de la part d’un intellectuel, d’un rat de bibliothèque, précoce, surdoué, dont les exégètes exhument d’entre les lignes les références, les sources, pour les afficher en appendice bibliographique.

Seul « Robinson Crusoé » échappe à l’autodafé. Il est même érigé en livre unique, exemplaire, au rang de méthode pédagogique, de style de vie, de son élève imaginaire.

Un style de vie auquel, après tout, il est lui-même contraint par les remous de sa carrière littéraire, les controverses, les poursuites, l’errance, les retraites, les ermitages, loin de la fureur du monde, des combats idéologiques. L’isolement, l’autarcie, l’ascétisme, la reconnexion à la nature le consolent et lui permettent de toucher enfin au bonheur que la socialisation lui refuse.

Quelle trajectoire ! Et quels liens entre la psychologie perturbée et le cheval de bataille philosophique ? C’est la question que se pose Jean Starrobinski :

« A ce point, l’on se demandera si toute la théorie historique de Rousseau n’est pas une construction destinée à justifier un choix personnel. S’agit-il pour lui de vivre selon ses principes ? Tout au contraire, n’a-t-il pas forgé des principes et des explications historiques à seule fin d’excuser et de légitimer son étrange vie, sa timidité, sa maladresse, son humeur inégale, cette Thérèse si frustre avec qui il s’est mis en ménage ? Le conflit que Jean-Jacques Rousseau dénonce dans l’histoire a aussi tous les aspects d’un conflit personnel. Il faut constater l’équivoque, et ne pas chercher à s’en défaire pour la commodité de l’interprétation. »

Force est de constaté que le chantre des robinsonnades décode la matrice de la société, délivre un message de liberté et d’égalité, repris haut et fort par les révolutionnaires puis s’efface sur la fin de sa vie. Enorme ! C’est dans une île qu’il est inhumé au milieu d’un jardin paysager créé en son honneur.

La descente aux enfers de Jean-Jacques Rousseau - son éternel regret - coïncide avec son entrée en philosophie et sa décision de répondre au concours de l’Académie de Dijon sur le thème des arts et des sciences. Avec « l’illumination de Vincennes » (1749), la révélation de ce que sera sa thèse : « L’homme est bon de nature. Il a été corrompu par la civilisation ». Il y développe sa vision de la nature de l’homme et de la société, à partir d’une nostalgie des origines, du temps des cabanes et de l’homme innocent et vertueux, perverti par les sciences et les arts. Les plus talentueux imposant aux autres un régime d’inégalité et d’injustice. Une vision globale qu’il précisera tout au long de son œuvre. Le positionnera à contre courant du positivisme général. L’éloignera de ses amis Encyclopédistes.

Dès cette époque, Jean Jacques Rousseau semble prendre conscience que le bonheur lui échappera toujours. « Les œuvres autobiographiques nous permettent de comprendre pourquoi cet échec était inévitable. La timidité, la lenteur et la maladresse de ses réactions, qui le rendent inapte à tenir son rôle dans une société brillante et spirituelle, mettent perpétuellement Rousseau à la torture. Et surtout, il dépend du regard d’autrui, il se veut sans cesse approuvé et compris, et ne croit jamais l’être. Incapable d’être lui-même, incapable d’être comme les autres, toujours victime de la « fausse honte » et se maudissant de l’être, il vit dans la contrainte et l’anxiété. Conscient de cette « singularité », qu’il n’ose pourtant pas afficher, il se sent déjà seul et, pourquoi pas menacé ». (Jacques Roger)

Jean-Jacques Rousseau avoue traverser de rares instants de bonheur, de lâcher prise. Une vie simple qui renvoie à la nostalgie de l’enfance, à la sérénité et au ressourcement érémitique, réels ou fictifs d’ailleurs (L’Elysée de « La nouvelle Héloïse »), au refuge théâtralisé du jardin anglais d’Ermenonville.

Il se souvient d’abord avec émotions de son enfance souffreteuse et des quelques mois où il se requinque à la campagne, auprès de sa mère, aux Charmettes : « Je me levais avec le soleil, et j’étais heureux ; je me promenais et j’étais heureux ; je voyais Maman, et j’étais heureux ; je la quittais et j’étais heureux ; je parcourais les bois, les coteaux, j’errais dans les vallons, je lisais, j’étais oisif ; je travaillais au jardin, je cueillais des fruits, j’aidais au ménage, et le bonheur me suivait partout : il n’était dans aucune chose assignable, il était tout en moi-même, il ne pouvait me quitter un seul instant. »

Et plus loin à propos du train-train quotidien qu’il mène avec sa mère : « En lui faisant aimer son jardin, sa basse-cour, ses pigeons, ses vaches, je m’affectionnais moi-même à tout cela ; et ces petites occupations, qui remplissaient ma journée sans troubler sa tranquillité, me valurent mieux que le lait et tous les remèdes pour conserver ma pauvre machine, et la rétablir même, autant que cela se pouvait. Les vendanges, la récolte des fruits nous amusèrent le reste de cette année, et nous attachèrent de plus en plus à la vie rustique, au milieu des bonnes gens dont nous étions entourés. Nous vîmes arriver l’hiver avec grand regret, et nous retournâmes à la ville comme nous serions allés en exil. » (Les Confessions – Livre sixième)

En 1754 Jean-Jacques Rousseau se met au vert – rien de très original - pour réfléchir et écrire son « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes », en forêt de Saint Germain, dans la « solitude dans la forêt », perçue comme « le lieu de la liberté, de la vertu et du bonheur, le refuge contre les hommes ». Le discours met en évidence l’ingéniosité qui permet de s’extraire du dénuement. Il met surtout l’accent sur ses corollaires : l’inégalité et la servitude, l’exigence d’égalité pour reconquérir la liberté.

Et on comprend alors le désarroi d’un Jean-Jacques Rousseau qui reçoit en retour l’apostrophe sarcastique de Voltaire : « J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain […]. On n’a jamais employé autant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes, il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. »

Paris lui devient infâme. Il accepte l’invitation de Mme d’Epinay à séjourner dans l’ermitage de Montmorency. C’est dans « ce lieu solitaire plutôt que sauvage » qu’il rédige « La nouvelle Héloïse », immense succès éditorial. Mais leur cohabitation devient vite pesante et les menus services qu’il doit rendre en contre partie de l’accueil deviennent insupportables et sèment la brouille.

Je conserve de cette période sa projection heureuse dans le jardin de l’Elysée dans « La nouvelle Héloïse » (Lettre XI à Milord Edouard). La description d’un jardin anglais, plus vrai que nature, où la main du jardinier semble invisible et dont René de Girardin s’inspirera pour réaliser le parc du domaine d’Ermenonville, vibrant hommage au philosophe.

« En entrant dans ce prétendu verger, je fus frappé d’une agréable sensation de fraîcheur que d’obscurs ombrages, une verdure animée et vive, des fleurs épars de tous côtés, un gazouillement d’eau courante, et le chant de mille oiseaux, portèrent à mon imagination du moins autant qu’à mes sens ; mais en même temps je crus voir le lieu le plus sauvage, le plus solitaire de la nature, et il me semblait d’être le premier mortel qui jamais eût pénétré dans ce désert. Surpris, saisi, transporté d’un spectacle si peu prévu, je restai un moment immobile, et m’écriai dans un enthousiasme involontaire : O Tinian ! ô Juan-Fernandez ! » (Juan Fernandez est l’île où fut abandonné Selkirk le modèle de Robinson). Suivent quelques jolies pages de description du jardin et des soins qu’y a apporte Mme De Wolmar.

« Du contrat social » et « Emile ou de l’éducation » s’écrivent simultanément et répondent aux constats sans appels que Jean-Jacques Rousseau a fait dans ses premiers discours « Sur les sciences et les arts » et « Sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les homme » :

« Voici que le besoin s'est libéré de la nature, engendrant chez l'homme une passion de posséder et un esprit d'ambition qui alimente à son tour une course au pouvoir. Débordant les limites du besoin naturel, l’intérêt personnel prolifère et contamine bientôt tout le tissu social : les institutions qui avaient traditionnellement la charge de le contenir paraissent désormais comme des instruments d’une vaste manipulation visant à asseoir le pouvoir des plus forts. Tromperie encore que ce savoir dont l’homme attend, depuis Platon, le salut : les sciences sont nées du désir de se protéger, les arts de l’envie de briller, la philosophie de la volonté de dominer. » résume Michel Soëtard.

Fort du constat que « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers » Jean-Jacques Rousseau se propose dans « Emile ou de l’éducation » de le libérer du carcan d’une culture qui crée et entretient des préjugés, accentue les inégalités et concentre le pouvoir en reproduisant des croyances erronées. L’éducation est le seul antidote à cette gangrène du tissu social. Mais peut-on encore éviter les crises qui s’annoncent ? « Du contrat social » deviendra quant à lui le « petit » livre de la Révolution Française en remettant à plat le « système ».

Pour Jean-Jacques Rousseau, l’enfant est une page vierge. Il colle à l’image qu’il s’est faite de l’homme des origines. Il développe l’idée d’une éducation appropriée aux différents stades du développement physique et intellectuel de l’enfant. Il s’agit de « former l’homme vrai à partir des dispositions naturelles de l’enfant ». Selon Blaise Bachofen, il faut lire L’Emile « comme la mise en scène d’une méditation théorique sur l’éducation et plus largement sur les fondements de la connaissance ». L’approche est originale même si elle s’inspire parfois de lointains prédécesseurs tel que Montaigne, ou des travaux contemporains de Locke par exemple. Certaines préconisation sont également déjà dans l’air du temps, notamment en ce qui concerne les attentions à porter aux nourrissons.

Le « retour à la nature » est spartiate. Emile est élevé à la dure. Jean-Jacques Rousseau applique une méthode qu’on qualifierait aujourd’hui d’expérientielle, active, participative. L’enfant, l’adolescent est au cœur du dispositif. On ne le gave ni ne le façonne. Il est acteur de ses apprentissages. Il s’agit là d’une réappropriation intellectuelle du monde dans laquelle le précepteur s’efface, favorise, suscite, stimule l’intérêt. Il est le gardien du processus. Il n’y a jamais de transmission verticale des connaissances.

Et « comme il est impossible de former un citoyen dans une société corrompue, son précepteur lui donne une éducation selon la nature pour le préparer à la vie en société. […] L’éducation de la nature est ainsi une médiation indispensable pour générer l’homme et en faire un véritable citoyen. […] Elever Emile naturellement signifie pour Rousseau ne lui donner aucun ordre, refuser l’alternative classique au 18ème siècle de l’enfant-roi et de l’enfant-esclave et substituer à la loi du caprice le joug de la nécessité. » (Barbara de Negroni)

 

 

Pour en venir à Robinson Crusoé, le passage qui y fait allusion se situe au Livre Troisième qui traite de l’adolescence. Il commence donc avec le paradoxal : « Je hais les livres car ils n’apprennent qu’à parler de ce qu’on ne sait pas. » et enchaîne immédiatement sur la proposition de son fameux « traité d’éducation naturelle » :

« Est-ce Aristote ? Est-ce Pline ? Est-ce Buffon ? Non ; c’est Robinson Crusoé. Robinson Crusoé dans son île, seul, dépourvu de l’assistance de ses semblables et des instrument de tous les arts, pourvoyant cependant à sa subsistance, à sa conservation, et se procurant même une sorte de bien-être […] ».

La robinsonnade devient alors le cadre de la classe, une bulle isolée du reste du monde. C’est aussi la méthode pédagogique qui frise l’autodidaxie. Emile doit se glisser dans la peau du personnage, appréhender ses propres besoins, son environnement, s’amuser à trouver des solutions, les expérimenter. C’est une méthode qui se veut ludique et stimulante dans laquelle le précepteur s’est effacé pour n’être qu’asticoteur et garant du cadre. L’objectif étant d’amener Emile à penser par lui-même.

La suite est toute aussi intéressante du point de vue de la finalité de l’éducation puisqu’il s’agit d’assurer l’indépendance professionnelle d’Emile - gage de sa liberté – et de construire son avenir. On bascule alors dans le champ de l’orientation et de la découverte des métiers au travers de visites d’ateliers et de stages pratiques. On touche à la division du travail, au monde de l’industrie, aux process de fabrication et aux gestes professionnels. Plus tard Jean-Jacques Rousseau élargit la focale avec une leçon d’économie : du système bancaire, monétaire, à la propriété, en passant par le commerce international, la fixation de la valeur marchande des biens produits, etc. Et cela par l’analyse d’une table de réception et de la déduction des mécanismes qui ont contribué à la garnir. A se demander si Karl Marx n’était pas lui-même à cette table ! Jean-Jacques Rousseau en profite pour débiner bourgeois et aristocrates, militer pour la table rustique, les gens simples et les circuits courts.

Il ne s’agit pas que d’ouverture d’esprit. L’objectif de Jean Jacques Rousseau est plus ambitieux encore. « Vivre est le métier que je veux lui apprendre. En sortant de mes mains, il ne sera, j’en conviens, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre : il sera premièrement homme ». L’éveil de la conscience politique reste à venir dans les chapitres suivants.

Jean-Jacques Rousseau n’est pas un expert en sciences de l’éducation. Et Dieu sait qu’on lui reprochera à ce sujet d’avoir abandonné ses propres enfants. Paradoxal pour celui qui se targue de donner des leçons à ceux des autres ! Ceci dit, l’accueil réservé à « Emile » est enthousiaste. Son influence sera immédiate et considérable. Elle coïncide avec le bannissement des jésuites, la rénovation de l’éducation nationale et la tentative d’uniformiser les programmes, les pratiques, les manuels.

Parmi les nouveaux classiques qui entrent au collège et dans les bibliothèques familiales, pas trace du Robinson Crusoé de Daniel Defoe mais de ses adaptations : « Robinson » d’Aimé Feutry, « L’isle de Robinson » de Savin et « Le nouveau Robinson » de Johann Heinrich Campe. Tout bonnement parce que le roman est censuré et circule sous le manteau. Il faudra attendre 1758 pour qu’il obtienne sa première permission officielle. Autant dire qu’il ne bénéficiait pas encore du succès dont il jouissait outre Manche.

Les adaptations ont bien soin « [d’] ôter de l’ouvrage ce qu’il a de superflu et de dangereux, pour le rendre plus amusant et utile aux jeunes lecteurs » et « de mettre en intrigue un large ensemble de savoirs, historiques, géographiques, naturalistes, réflexions morales et religieuses ». Les illustrations ont un rôle attractif et l’attention faite au style est sensée inspirer les collégiens et développer leurs capacités rédactionnelles. Quant à la forme dialoguée qu’emprunte Campe elle rappelle le rôle majeur de la transmission entre parents et enfants. Enfin ces Robinsons servent de support à l’apprentissage des langues étrangères.

C’est une véritable littérature jeunesse qui voit le jour, orchestrée par les librairies et déléguée à des auteurs/ices spécialissé/e/s. C’est ainsi que « Robinson Crusoé et Les aventures de Télémaque s’imposent durablement dans le panthéon des lectures buissonnières, au côté des contes de fées et des fables ». Une nouveauté car « ce genre, jugé dangereux et immoral, suscitait tant de réserve au début du siècle ».

Malgré le succès d’estime, « Du contrat social » et « Emile » sont tour à tour interdits ou censurés. Jean-Jacques fait l’objet de poursuites. À Paris d’où il est obligé de fuir. En Suisse où il est caillassé. Il trouve refuge sur l’île de Saint-Pierre sur le lac de Bienne, un havre de paix, un paradis naturel où il herborise, vit d’oisiveté et de balade en barque. Ce repli insulaire l’invite à l’introspection. L’île devient une métaphore de son for intérieur. Il est coupé du monde extérieur qui parasite son bonheur. Il s’épanche sur cette période dans le Livre XII des Confessions :

« J’ai pris tant de goût à l’île Saint-Pierre, et son séjour me convenait si fort, qu’à force d’inscrire tous mes désirs dans cette île, je formais celui de n’en point sortir. […] Un jour à passer hors de l’île me paraissait retranché de mon bonheur, et sortir de l’enceinte de ce lac était pour moi sortir de mon élément. […] J’avais pris l’habitude d’aller les soirs m’asseoir sur la grève, surtout quand le lac était agité. Je sentais un plaisir singulier à voir les flots se briser à mes pieds. Je m’en faisais l’image du tumulte du monde, et de la paix de mon habitation ; et je m’attendrissais quelques fois à cette douce idée, jusqu’à en sentir des larmes couler de mes yeux. Ce propos, dont je jouissais avec passion, n’était troublé que par l’inquiétude de le perdre ; mais cette inquiétude allait au point d’en altérer la douceur. Je sentais ma situation si précaire, que je n’osais y compter. »

Enfin, son dernier Eden, si l’on peut dire, sera le jardin paysagé que René-Louis Girardin a aménagé à Ermenonville en s’inspirant de « La nouvelle Héloïse ». C’est un jardin pittoresque, à l’anglaise, un décor approprié au déploiement des sentiments. Un livre ouvert. Un parcours qui inspire poésie et romantisme.

« Girardin affirme qu’ « un jardin […] fut le premier séjour de l’homme heureux » et que son « effet doit répandre la sérénité dans l’âme », de manière à « […] jouir avantageusement des paysages ». Le parc d’Ermenonville doit produire a minima le « contentement » de celui qui assiste à son spectacle, et si possible le « bonheur ».

Dans un article intitulé « La dernière retraite de Jean-Jacques », Guilhem Farrugia rappelle que Jean-Jacques Rousseau s’était mis depuis longtemps en quête d’une hospitalité, d’une retraite, d’un asile, d’un refuge synonymes pour lui de retour à la paix intérieur, à l’introspection et au bonheur. Il lança un appel dès février 1777 mais sa décision était déjà prise depuis un bail :

« […] Il fuira tout hébergement intéressé, fondé sur la politesse, l’urbanité ou les mondanités, exigeant implicitement un contre-don, un « contrat » tacite funeste au bonheur de la liberté et de l’indépendance. Toute expérience heureuse de l’hospitalité implique au contraire de ne pas se sentir redevable, d’être par conséquent reçu gracieusement, par charité, « vrai bienfait », libéralité ou amitié, avec autant de bienveillance, d’intimité et de discrétion que possible. »

Arrivé mi-avril 1778, la fin tragique de Jean-Jacques Rousseau, six semaines plus tard, fera d’Ermenonville un lieu de pèlerinage. On peut penser que si Jean-Jacques Rousseau accepte de jouer les philosophes de jardin dans une cabane située à proximité de l’étang du désert, c’est qu’il sentait sa fin proche tant sa santé se dégradait. Il sera inhumé sur l’île des peupliers avant d’être transféré au Panthéon en 1794 à la suite d’un décret de la Convention.

Alors, Jean-Jacques Rousseau, Robinson ? On ne naît pas misanthrope, on le devient. Quels épisodes traumatiques a-t-il traversé pour expérimenter le bonheur dans l’exclusion, la solitude, le jardin, la nature ? Je ne suis pas psychologue. En tout cas son message n’est pas anodin. L’injustice est une bombe à retardement et d’autres que lui monteront au créneau : révolutionnaires et utopistes.

Pour ce qui touche à l’école, ses réflexions infusent et alimentent toujours les débats de la communauté éducative. Qu’il s’agisse du recours à la nature proprement dite des « forest school » danoise ou de l’adaptation des méthodes, des programmes à la nature même, à l’essence, aux potentiels des enfants et des adolescents (spontanéité, bonté, créativité, etc) à l’origine des écoles alternatives.

Mais on fait trop souvent l’impasse sur les objectifs pour ne voir que les avantages de l’école hors les murs sans spécifier les vertus de cette nature : débrouillardise, ludique, éveil des sens, calme, implication, expérimentation, autodiscipline, etc. On essaie finalement d’obtenir autrement ce qu’on n’arriverait plus à obtenir dans le cadre étriqué de la classe. C’est oublier un peu vite le management de l’éducateur/trice. Et l’objectif : s’agit-il d’accoucher d’un citoyen, d’un consommateur ou d’un patriote ? 

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