Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

« En attendant Nadeau » (Pour une critique indépendante) je feuillette « La part sauvage » de Sophie Ehrsam. Je descends l’ascenseur. Capte quelques mots clés (des femmes seules contre les éléments, nature, animal, bestial, sauvagerie, maison forestière, survie, Robinson, Vendredi, utérin, île, isolé, asile) et des couvertures de romans. Puis d’un roulement de molette, je remonte par palier. Repasse au crible chaque ligne. Confirme ma première impression : je tiens là une short list !

Banco. Je trie les titres. Ajoute, retire, sur la foi de résumés, de commentaires. Emprunte : « Sauvagière » de Corinne Morel Darleux, « La femme paradis » de Pierre Chavagné - faute de « Bivouac » ou d’« Encabanée » - « Sauvagines » de Gabrielle Filteau-Chiba, « Femme sauvage » de Tom Tirabosco, « Wild » de Cheryl Strayed, son adaptation au cinéma par Jean-Marc Vallée et pour le gag « Randonneurs Amateurs » de Ken Kwapis.

Me voici paré pour passer l’hiver, doux et pluvieux, qui fleure bon le réchauffement climatique. Je n’tiens peut-être pas un sujet mais un titre tonitruant : « Femme sauvage, sauvagines, sauvagière ». Ça claque !

 

 

Clairement, je mets les deux pieds dans une chronique féministe. Accueil en fanfare par une citation sans équivoque d’Ursula K. Le Guin. Certainement une réminiscence d’une chronique antérieure. Je lui préfère quelques mots d’introduction empruntés à Clarissa Pinkola Estés dont le « Femmes qui courent avec les loups – Histoires et mythes de l’archétype de la Femme Sauvage » me semble plus conforme au sujet.

« La vie sauvage et la Femme Sauvage sont toutes deux des espèces en danger. Au fil du temps, nous avons vu la nature instinctive féminine saccagée, repoussée, envahie de constructions. On l’a malmenée, au même titre que la faune, la flore et les terres sauvages. Cela fait des milliers d’années que, sitôt que nous avons le dos tourné, on la relègue aux terres les plus arides de la psyché. »

« Une femme saine est comme une louve : robuste, pleine comme un œuf, débordante de vitalité, consciente de son territoire, donneuse de vie, inventive, loyale, bougeant beaucoup. Séparée de la nature sauvage, sa personnalité s’affaiblit, s’étiole, devient spectrale. Nous ne sommes pas faites pour avoir le poil rare et être incapables de bondir, de chasser, de donner la vie, de créer la vie. Quand la vie des femmes est en état de stase ou bien est pleine d’ennui, il est temps qu’émerge la femme sauvage ; il est temps que la fonction créatrice de la psyché vienne inonder le delta. »

J’ai croisé Clarissa Pinkola Estés - côte 305 - Sociologie des groupes sociaux – bras dessus, bras dessous, bras d’honneur, à côté du « Rage against the machisme » de Mathilde Larrère. Alors ? « Femme Sauvage », « Femme Forte » : convergence des luttes ? Ça s’annonce musclé !

Le premier à en faire les frais d’ailleurs, c’est Pierre Chavagné l’auteur de « La femme paradis ». Quelle maladresse aussi ! « L’auteur dit s’être mis à la place d’une femme, il « en est venu à épouser pendant plusieurs semaines des pensées féminines » ; en réalité, il ne fait que réutiliser les poncifs d’usage sur proie et prédateur (la femme étant tantôt l’une, tantôt l’autre) et les clichés les plus éculés sur la femme qui serait plus animale qu’humaine, à la merci de ses instincts. » C’était bien tenté, mais non, l’anima fait profil bas devant l’animus !

L’archétype de la Femme Sauvage de Clarissa Pinkola Estès me laisse perplexe. J’ai l’impression de suivre les pas de Corto Maltese dans la magie de « Fable à Venise ». Dans le fond, je pressens bien l’issue de cette psychanalyse textuelle à laquelle l’autrice nous invite : la révélation de la véritable nature féminine, la libération de la femme, la réappropriation de sa puissance. Mais la méthode me semble olé olé. Plus ésotérique que scientifique. J’y trouve un écho chez Jean-Noël Pelen.

Clarissa Pinkola Estès se présente comme psychanalyse jungienne, ethnologue, folkloriste, guérisseuse, héritière d’une lignée de poétesses et cantadora, gardiennes de vieilles histoires, contes, légendes, mythes qui recèlent/raient une vérité cachée depuis l’origine du monde et un pouvoir thaumaturgique, « les secrets des « anciens mystères féminins » autour de l’« archétype de la Femme Sauvage », laquelle est définie comme le « soi instinctuel », métaphorisé dans l’image de la louve. »

L’ouvrage est un succès. Les lectrices sont enthousiastes. C’est un « cadeau que les femmes se font entre elles ». Un livre de chevet, un « grimoire de vie », « magique » qui « traite avec brio des profondeurs et sentiers mystérieux de la psyché féminine – telle une vaste clairière ou un continent englouti qu’il « nous » resterait à retrouver ». Un livre initiatique qui éveille la conscience, éclipse de vieux modèles de comportement destructeurs. Lit-on sur Babelio.

Que chacun, chacune, fasse son analyse, soit, mais c’est d’un remède de cheval dont la société a besoin pour combattre les violences sexuelles et sexistes, les violences conjugales et intrafamiliales, sans parler de l’inceste, du harcèlement scolaire, du racisme, des inégalités, i tutti quanti, qui déferlent comme un raz de marée moral sur l’actualité et fracasse cet éculé de patriarcat.

Les romans de ma short list mettent à l’honneur des personnages féminins, réels ou fictifs, d’auteurs ou d’autrices, qui se relèvent de traumatismes, se révèlent « fortes » au fil d’épreuves dans un face-à-face avec la wilderness. Urgence écologique, effondrement, radicalisation, désobéissance civile, retrait du monde, érémitisme, initiation, survie, sont au menu.

« La femme paradis » de Pierre Chavagné plonge son héroïne dans un contexte post ? Post quoi d’ailleurs ? Le récit entrecroise les pages d’un journal intime et celles d’un narrateur. A force d’être allusif, on ne sait pas vraiment quand nous sommes. Il y est question d’émeutes, de fuite, d’accident. Par contre, on sait où : le Causse. Peut-être même en pays d’Uzège où l’auteur s’est établi. Dans une maison en bois lit-on. Dont les fenêtres donnent peut-être sur le paysage qu’il décrit.

Une détonation retentit « dans le silence de la vie sauvage ». Surprise, une femme est aux aguets. Ce coup de feu est le signal d’une incursion dans son espace vital. Ce n’est pas le Paradis. Mais tout comme. Un territoire à taille humaine. Qui satisfait ses besoins rudimentaires : une grotte aménagée, un jardinet en terrasse, du gibier en suffisance, une rivière.

Elle mène une vie solitaire qui exclue tout intrus, perçu comme un concurrent, un prédateur, un ennemi à éliminer. Tuer ou être tué, telle est la logique froide du mode survie. Pas d’hospitalité. Pas d’empathie. Quel est donc le mystère qui plane sur cette violence instinctive, la solitude, le vide qui l’habite, l’oubli dans lequel elle est plongée ?

De chassée elle devient chasseresse. Piste les traces laissées sans complexes par celui qui s’est introduit et traverse son territoire, fait du feu, plante sa tente. Sans jamais dévoiler sa présence, elle s’approche et l’assassine sans état d’âme. S’approprie son matériel. Une liseuse et son panneau solaire. La lecture de « Belle du seigneur » d’Albert Cohen lui rend désormais un peu de son humanité. Elle se défend de cette distraction en s’infligeant flagellation et rigueurs d’une vie réglée, focus sur la survie.

En réalité, un autre homme est passé au travers des mailles du filet. Il s’est fait discret. A l’affût. S’est introduit dans sa tanière. Fait le tour du propriétaire. Il a attendu son heure pour lui sauter sur le paletot, la ligoter, réveiller ses souvenirs avec l’histoire de sa vie. C’est le mari qu’elle a laissé pour mort quelques années plus tôt et qui battait la campagne depuis. Il réactive sa mémoire : l’accident, la mort de leur enfant, sa crise de panique et sa fuite éperdue. Voilà le traumatisme ! Elle balance entre réminiscences, acceptation et conditionnement animal à la vie sauvage. Et lorsqu’elle est sur le point d’abdiquer, de faire le deuil, elle le tue accidentellement …

 

 

Gabrielle Filteau-Chiba s’est, elle, spécialisée dans les récits d’encabanement. Une existence qu’elle a choisie. Quitter Montréal pour vivre chichement dans le Kamouraska au pied des Appalaches (région du Bas-Saint-Laurent, réputée pour la splendeur de ses paysages et sa nature sauvage, terrain de chasse au caribou).

« Encabanée » son premier manuscrit est celui de la mue. Le court récit d’un hivernage, aux accents poétiques, à l’économie des mots choisis pour traduire ses pensées, les grands froids, la neige, la solitude, la contemplation, la vie intérieure, le sursaut – aussi - aux détonations des coureurs des bois et autres trappeurs, des chasseurs ou braconniers. J’y retrouve un peu de Jean-Yves Quellec, « Un moine à l’île de Quéménès ». La nature est sa religion. Elle s’est faite une réputation d’engagement écologique. C’est la toile de fond de ses romans.

« Sauvagines » - terme de chasse et de pelleterie – met en scène une héroïne en quête d’identité. D’un secret de famille qui a passé à la trappe l’épouse mi’gmaq de son grand-père, dont il ne reste qu’une vieille photo et un marqueur génétique : cette formidable chevelure noir corbeau qu’elle tresse et arbore fièrement.

Est-ce ce sang indien qui coule dans ses veines qui l’a conduite à exercer le métier de garde forestier, garde chasse, dans le Kamouraska sauvage ? A vivre hors des sentiers battus, en caravane, au milieu de cette solitude. Avec pour seule compagnie sa bâtarde coyote-husky ? Et l’ambition démesurée de protéger la forêt boréale de la déforestation et les espèces en voie de disparition des braconniers décomplexés qui agissent en toute impunité, soutenus officieusement par des autorités incompétentes et des politiques hors sol ? Plane la déprimante impression de se battre contre des moulins à vent.

Cette mission devient une affaire personnelle lorsque sa chienne est prise au piège et gravement blessée. Lorsqu’elle repère une caméra cachée qui la filme sous sa douche en plein air. De victime elle devient détective. Mène l’enquête. Traque le prédateur. Remonte jusqu’à lui et se creuse la tête pour lui faire payer le viol de son intimité et les charniers dégueulasses qu’il laisse derrière lui, présumant que la justice passera l’éponge comme toujours.

Elle peut compter sur l’écoute, la compréhension et le soutien d’Anouk, une jolie marginale rouquine, à la frimousse de renarde, qui vit dans une cabane branlante et sur un collègue à la retraite qui a connu les mêmes vicissitudes. A son tour, elle monte un traquenard. Pose un piège sur la tournée nocturne du braconnier. Pris dans les mâchoires d’acier, il sera dépecé par les bêtes sauvages. Un malheureux accident de chasse ! Elle ferme les yeux, démissionne et se fait oublier. Part vivre le grand amour en Gaspésie, heureuse et cachée, au bord d’un lac.

« La paix, un état, une étincelle. Lubie ou mission de vie ? Qu’on nous laisse la paix, à la fin, aux femmes, aux coyotes, aux forêts. Pourquoi ce sentiment toujours latent qu’encore pire nous attend ? Pourquoi cette pensée envahissante quand le moment présent est si beau ? »

« La sauvagière » est un récit qui flirte avec le fantastique ou plutôt le merveilleux. Un récit très littéraire. Onirique. Poétique. Le roman de reconversion d’une politique engagée pour l’écologie ?

Ce n’est pas au pieds des Cévennes mais du Vercors que Corinne Morel Darleux écrit semble-t-il. Et cette nature qu’elle habite, qu’elle défend devient le motif d’un paysage intérieur, intime. Parce qu’ici tout contribue à semer le trouble sur la réalité du récit. A y naviguer comme dans un rêve. Hors du temps.

L’héroïne traîne un sacré cafard, deuil de sa mère, stress du boulot dans l’hôtellerie-restauration quand elle décide de tout plaquer et partir à moto. Malheureusement l’aventure tourne court. Un accident et à son réveil - ça ne semble pas l’étonner - elle n’est ni dans une maison de repos, ni un centre de rééducation, mais dans une maison forestière face à un jardinet, un verger et au loin les montagnes qui se profilent.

Jeanne et Stella, deux femmes énigmatiques, muettes, houleuses parfois, l’entourent de leurs soins. Elle se remet, découvre et apprécie cette vie simple, harmonieuse, s’étonne à peine des éclipses régulières de l’une ou de l’autre, se sent parfois frappée de malaise, de flash, d’expériences extra sensorielles, de sorties du corps. Il plane alors sur le roman un air de mystère jamais clairement élucidé qui laisse les lecteurs/trices de Babelio dans l’expectative : louant certes les qualités descriptives du roman mais cherchant encore le sens entre rêve et réalité ! 

La vie s’écoule au rythme des saisons et de leurs travaux, les cueillettes, le jardin, le verger, les conserves puis le bois qu’on entre en vue de l’hiver. Entrecoupée de réminiscences : sa mère, ses études, ses petits boulots, la moto… La convalescente se remet, sort, n’ose pas encore pénétrer dans la forêt où elle croit deviner Jeanne qui s’enfonce comme une ombre et se métamorphose en renarde – encore ! - la kitsume de la mythologie japonaise. Elle se sent abandonnée par ses compagnes et s’enhardit à son tour à courir les bois. L’autrice introduit alors une scène digne du « Vendredi » de Michel Tournier :

« M’arrêtant pour reprendre mon souffle, je compris soudain que je me trouvais sur une souille et que des sangliers, nombreux, venaient s’y rouler. Je fus soudainement saisie de l’idée de m’y enfouir. Un désir puissant et archaïque souleva mes entrailles.

Prise de vertige, je me vis parmi les bêtes, battant des pattes et des jambes pour mélanger l’eau stagnante à l’humus avant de nous y enfoncer. Seuls nos yeux et nos nez dépassaient, la température y était douce et parfaitement égale. La consistance de la fange gluante sur ma peau était agréable, elle formait une enveloppe protectrice. J’avais la sensation que la boue et mon corps procédaient de la même nature. C’était le sentiment merveilleux de repos et d’abandon. J’aurai pu y passer des journées entières, loin de toute préoccupation. »

Malgré tout sa rémission n’est pas au rendez-vous. Elle continue de ressentir des malaises. Je fais alors l’hypothèse que l’héroïne est dans le coma. Que les flashs qu’elle perçoit sont dues aux stimulations oculaires des diagnostics vitaux. Que les troubles physiques, les convulsions, par exemple, suivies de prostrations sont des symptômes et les soins prodigués à renfort de piqûres, de perfusions, etc… Que l’univers onirique, paysager, naturel, végétal dans lequel elle évolue n’est autre qu’une expression de l’état végétatif dans lequel elle est plongée. Un vrai conte de Belle au bois dormant !

« Wild » de Cheryl Strayed est une tranche de vie qui retrace sa randonnée tout au long du Pacific Crest Trail. 4300 km du Mexique au Canada qu’elle s’inflige pour faire le deuil de sa mère, de son divorce, de ses addictions au sexe et à l'héroïne et retrouver un sens à sa vie. Plus j’avancerai dans cette lecture et plus je ferais de liens avec « L’écart » d’Amy Liptrot qui s’arrache à Londres, aux teufs, à l’alcoolisme, aux petits boulots, au mal-être et rentre se désintoxiquer dans son île natale des Orcades, ruminer son passé jusqu’à s’en libérer.

Rien ne préparait vraiment Cheryl Strayed à cet exploit. Pas d’entraînement mais des chimères plein la tête. Des brochures de rêve et les conseils malavisés de vendeurs qui préconisent des tonnes de matériel mais des chaussures trop petites. Résultat, elle traînera comme un baudet, « monster », un sac rempli jusqu’à la gueule – une métaphore des soucis dont elle a plein le dos - d’un bout à l’autre de la chaîne de montagnes et des blessures aux pieds qui ne cicatriseront jamais ! Par contre, elle ne manque pas de détermination.

La nature disparaît malheureusement au second plan, derrière de longs dialogues intérieurs. La revisite, scène après scène, de l'enfance sous l'emprise d'un père violent, du divorce de ses parents, de la vie simple ensuite dans une fermette, des études littéraires, du personnage de la mère aimante et inspirante, de la maladie foudroyante, de l'absence que rien ne console si ce n'est la descente aux enfers. Le roman est une lente rumination entrecoupée de lecture d’itinéraire, de camping sauvage sans qu’on s’extasie, qu’on jouisse vraiment des paysages. Ce n’est pas du Nature Writing. Le film ne rend d’ailleurs pas plus hommage à la nature que le livre. Évidemment au terme des épreuves de ce long chemin initiatique elle fait la paix avec elle-même.

 

 

A côté de cela, "Randonneurs amateurs" traite sur le ton de la comédie des angoisses existentielles de séniors : peur de mourir, nostalgie de sa jeunesse. L’ultime défi se joue sur un autre chemin mythique, l'Appalachian Trail, sur la côte est cette fois. Même impréparation, même supplice physique, même satisfaction à chaque étape. Moins d’analyse et plus d’autodérision. Qu’importe le cheminement, la marche libère l’esprit. Là encore : Tout est bien qui finit bien !

Avec « Femme sauvage », le dessinateur-scénariste Tom Tirabosco pousse à peine le curseur de la fiction et bascule en dystopie. Il fait référence dans son récit à la théorie de l’effondrement, à la désobéissance civile, à la résistance de mouvements tels que les Soulèvements de la Terre qualifiées par les réac’ d’éco-terroristes. Mais comment donc faire entendre l’urgence de sauver la planète quand l’humanité toute entière fait la sourde oreille ? Ce n’est plus du conspirationnisme. Non, non. Chaque année le « jour de la Terre » dévisse dans le calendrier. Chaque jour l’actualité se charge des changements climatiques. C’est du suicide !

En pleine répression policière des manifestations et des émeutes aux Etats-Unis, l’héroïne qui vient de perdre son compagnon sur les barricades décide de tailler la route, quitter les villes, les banlieues et de rejoindre la Résistance, les Rebelles, au Canada. Elle s’enfonce en forêt, redécouvre les gestes de survie, croise ses premiers cervidés, des abrutis de chasseurs, un marginal, aussi, qui tente de la violer. De peur, elle s’enfonce toujours plus profondément dans une nature qu’on aurait pu penser à l’agonie.

Une nuit elle entrevoit une silhouette d’ours à proximité du campement. C’est en réalité, une femme qui s’est glissé sous la pelisse, vit dans une grotte aux milieu des ustensiles, des armes, des grigris et procède à des rituels shamaniques. Ensemble elles s’organisent une vie simple et respectueuse de leur environnement, à l’abri des drones qui survolent les alpages et éliminent les rebelles. Voilà l’alternative : vivre libre ou sous la dictature !

L’héroïne était enceinte, accouche. Les deux femmes élèvent l’enfant jusqu’à ce qu’adulte il décide de rejoindre, lui, les rebelles. Il sort du bois. Est visé par des drones. Ses mères le protègent. Font écran. Meurent. Après un long voyage solitaire il rencontre enfin ces fameux rebelles qui vivent sous couvert de la forêt, dans des cabanes dans les arbres, et migrent régulièrement…

 

Un titre qui claque c’est chouette. Mais ça ne fait pas un sujet, pas une démonstration, pas une conclusion. Alors, la femme vient-elle de Vénus et l’homme de Mars ? A priori – on – elles – se verrait/ent plus chasseresse que victime. Plus Artémis, Diane, déesses de la chasse et de la nature. Plus renardes que louves. Il s’en glisse quelques-unes entre ces pages. Inari ou Kitsune ? Dont Jean Chevalier et Alain Gheerbrant rappellent la signification dans la tradition japonaise : Inari symbole de la fertilité et de l’abondance vs Kitsune symbole de l’hystérie et de la possession démoniaque. En introduction de leur rubrique dans le « Dictionnaire des symboles » ils citent :

« Indépendant mais satisfait de l’être ; actif, inventif mais en même temps destructeur ; audacieux mais craintif ; inquiet, rusé et pourtant désinvolte, il incarne les contradictions inhérentes à la nature humaine. »

Ainsi on peut être tout à la fois sauvage, forte et fragile, émotive sans développer de complexe ! Une ambivalence à laquelle n’échappe pas le masculin d’ailleurs. On ne peut essentialiser les personnes selon leur genre.

Les récits qu’on a lus, au croisement du féminisme et de l’écologie décrivent des cheminements individuels. S’ils infusent les préoccupations toujours au coeur de l’actualité depuis la vague MeToo, ce ne sont pas pour autant des romans engagés mais bien des récits initiatiques où chacune des héroïnes se relève de ses traumatismes, de ses névroses, se libère d’une assignation sociale, du poids des mentalités, du machisme, des violences, de l'insécurité, mais surtout du fardeau d’une histoire personnelle qui empêche de se sentir soi-même. C’est dans la nature, la solitude, l’introspection que se résorbent les angoisses, les tourments.

Ces parcours accouchent de cette femme forte, puissante qu’on retrouve sous la plume de Léa Salamé, ou dans les lignes de publications plus people. Un archétype dans lequel se reconnaît la femme actuelle :

« Une femme forte est quelqu’un qui est déterminé à accomplir tout ce dont elle rêve. Qui n’a pas peur des coups durs et des critiques. Qui sait provoquer sa chance pour réussir. Qui a confiance en elle, en reconnaissant ses qualités, mais aussi ses défauts. Une femme forte sait prendre des décisions difficiles. Elle dit ce qu’elle pense, mais elle sait aussi écouter les autres et avoir de la compassion. Elle gère ses problèmes calmement. Et elle transmet son savoir et son expérience sans prétention. »

Je ne suis pas le meilleur juge en la matière. Mon genre à moi, c’est la robinsonnade. Et en la matière de nombreuses femmes fortes crèvent l’écran de « Retour à l’instinct primaire » tandis que les kakous machistes ne font pas long feu.

Tag(s) : #BIBLIOGRAPHIE
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :