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Il faut bien l’admettre le livre est un produit. Il y a du marketing derrière. Du packaging. Des circuits de distribution. Une muse au mieux. Une Carabosse du commerce, sûr. C’est parfois un petit miracle, la rencontre fortuite d’un(e) auteur(e) et de son public. C’est parfois un mariage arrangé – si ce n’est forcé. A son corps défendant le lecteur(trices) devient le cœur de cible d’éditeurs(rices).

On nous bassine alors de réclame. On nous lessive le cerveau. Des critiques – sages – font d’la promo. Les réseaux sociaux sont des rotatives à copier-coller des 4ème de couverture. On nous conditionne pour acheter le best-seller en tête de gondole. Et roule caddie. C’est le must ! De la littérature formatée mais ça plait. Soit !

Justement, sur la plage bondé, alangui, à l’abri de mon parasol, entre « Suzanne et le Pacifique » et « L’empreinte à Crusoé », j’me suis décongestionné les neurones en gobant tout rond les 4 tomes des « 100 » de Kass Morgan. 1500 pages environ, qu’on lit au kilo en moins de temps qu’il n’en faut pour déchiffrer les 300 pages d’un Giraudoux ou d’un Chamoiseau. Vous dire la vacuité ! La série télévisée m’avait pourtant bien captivé. Bah, faut croire que je n’suis qu’un gosse face aux écrans !

« Les 100 » est un pur produit commercial. Un concept imaginé par l’équipe d’Alloy Entertainment – un packager éditorial et producteur télé et cinéma – dont l’écriture a été confiée à Kass Morgan – on comprend mieux sa chiée de remerciements en fin d’ouvrages - et la réalisation à Jason Rothenberg. Le tome 1 paraît en 2013. La série dans la foulée en 2014 sur Netflix. Il est probable que le pilote ait été tourné simultanément avec l’écriture d’ailleurs.

Alloy crée ainsi un univers, deux supports, deux fanbases, une synergie. Les récits s’étayent, s’étoffent et divergent. Chacun suit son fil et s’emmêle. 3 tomes plus tard le roman est au bout du rouleau. Le 4ème est de trop. Burp ! Les 2 premières saisons sont extra. Les suivantes partent à vau-l’eau. Et il y en a 7. Gloups ! J’ai un sentiment mitigé. L’enthousiasme est retombé comme un soufflé. L’impression qu’on tire un peu beaucoup sur les ficelles de la bourse. Qu’on me fait les poches. Et ce n’est pas qu’une question de juste prix, c’est que l’excellence n’est plus au rendez-vous. Je frise l’écœurement.

Spontanément j’ai associé « Les 100 » aux robinsonnades. Y’a pas d’doute, le récit reprend les stéréotypes du genre : un vaisseau, un crash, la survie en milieu hostile, les épreuves et le développement personnel, les autres.

Résumé : Après trois siècles passés dans l’espace, confinés dans une station orbitale, les descendants d’une poignée de rescapés de l’holocauste nucléaire sont à bout de souffle. L’Arche est obsolète. L’oxygène va manquer. Les ressources sont épuisées. Les passagers survivent en pratiquant une stricte politique malthusienne. Seule échappatoire avant la désagrégation et l’extinction de l’humanité, revenir sur Terre à condition que la planète soit évidemment décontaminée, donc viable.

Pour en avoir le cœur net les dirigeants envoient secrètement en éclaireur une navette avec à son à bord 100 délinquants juvéniles en attente de leur exécution pour tester l’hospitalité de la Terre en contre partie de leur amnistie. C’est à leurs premiers pas sur cette planète qu’ils croient vierge qu’on assiste. Survivront-ils à eux-mêmes et … aux autres, les natifs, les abandonnés, jaloux de leur propriété ? 

On est clairement dans la veine de « Sa majesté des mouches », de William Golding et ses collégiens. Rapidement des figures charismatiques se dégagent du groupe, se disputent, influencent les autres jeunes pour les rallier chacun à sa cause. Bellamy. Ténébreux. Retors. Instinctif. L’électron libre de Kass Morgan vs le petit caïd de Jason Rothenberg. Et l’Angélique Clarke, l’apprentie médecin de l’équipage qui incarne la raison et la diplomatie pour l’une, la chef de guerre déterminée pour l’autre.

Auteure et scénaristes adaptent leurs personnalités. Sous la plume de Kass Morgan Bellamy devient l’archétype du chasseur dans la pure tradition du Doniphan de Jules Verne dans « Deux ans de vacances » et de Jack dans « Sa majesté des mouches ». Tandis que sous la direction de Jason Rothenberg Clarke devient l’alter égo du Jack de « Lost », le chirurgien qui préside aux destinées des naufragés.

Puisqu’on en est à « Lost » il faut bien l’avouer, Jason Rothenberg, surtout, pille le feuilleton de J.J Abrams : le crash et les premiers soins apportés aux blessés, l’ambiance de la jungle et de la forêt, les flash-back pour étoffer la psychologie des personnages, le noyautage des rescapés par un espion des « autres », les chipotages autour de la possession des flingues, la découverte d’un bunker, le triangle amoureux Bellamy/Clarke/Finn vs Jack/Kate/Sawyer, la fumée mortelle qui sillonne l’île, et enfin, les autres. On ne peut pas parler de transposition car « Lost » lorgne du côté de « L’île mystérieuse » et « Les 100 » du côté de « Game of thrones ».

La lecture des premiers paragraphes m’ont ensuite fait pencher pour une dystopie. C’est dans l’air du temps et le contexte social en arrière-plan est assez convainquant.

Le décor brossé de façon très très discrète, très très succincte - tant il est admis que le futur sera totalitaire ou ne sera pas – décrit une société autoritaire qui se cache derrière un apparent paternalisme. Les survivants vivent en vase clos dans un vaisseau fragilisé, où les ressources sont limitées, où tout est reconditionné sans fin, où la politique des quotas conditionne la suppression des bouches inutiles. La régulation de la population est rendue possible par un durcissement progressif de l’arsenal législatif. Une justice expéditive destinée à épingler et exécuter de plus en plus de passagers pour des raisons de plus en plus insignifiantes. Et ce sont – on connait la chanson - les quartiers populaires de l’Arche, Walden et Arcadie qui paient le tribu le plus lourd tandis que les passagers privilégiés de Phoenix semblent épargnés et bénéficier d’un traitement de faveur. Evidemment c’est la classe dirigeante. De là à parler d’oligarchie, de constitution draconienne, d’apparatchiks, de discrimination, d’injustice, etc. Et voilà un terreau propre à soulever l’indignation et la rébellion. C’est un peu l’histoire de ces « 100 » qui basculent dans la délinquance avant de se révolter et de se libérer de la loi des adultes. C’est typique du roman d’apprentissage.

Cela sent sa dystopie à plein nez en effet. C’est un sujet très à la mode dans la littérature Young Adult. Qui n’a pas entendu parler de « Hunger Games », « Divergente », « Le labyrinthe », « la vague », i tutti quanti ? A l’âge d’or de la science-fiction on lisait déjà « Le meilleur des mondes », « Farenheit 451 » et « 1984 ». Ces résurgences contemporaines, malgré leurs faiblesses et leur fadeur, sont pleines d’intérêt et j’apprécie que des enseignants-documentalistes par exemple rebondissent sur le sujet pour aborder les questions sociétales avec leurs élèves.

Mais au-delà de jouer à se faire peur avec le totalitarisme, comme on se ferait peur avec les sorcières, les vampires, les zombies, j’espère qu’il y a là une réelle prise de conscience politique chez nos adulescents. A vos cartes d’électeurs !

La dystopie est particulièrement prégnante dans la série télévisée où l’on zappe des grandes manœuvres des scènes de bord aux péripéties des « 100 ». Le roman, quant à lui, a en ligne de mire un happy-end et préfère l’utopie aux rebondissements violents. Il se focalise sur les naufragés, la découverte de la liberté et de l’autonomie. Après les cafouillages de l’arrivée, la recherche d’équilibre entre les acquis des lois iniques de l’Arche et l’inné des lois naturelles. « Qu’est-ce qu’on veut ? » claironnent Clarke et Wells pour réduire les clashes, les règlements de compte, les mouvements de foule. « L’anarchie ? ».

Dans ce nouveau monde c’est la collaboration et non la compétition que les jeunes découvrent. Les sauvageons s’assagissent et s’agglomèrent à une communauté de natifs chez Kass Morgan alors qu’ils constituent un pack tribal pour survivre aux escarmouches et au carnage contre les natifs de Jason Rothenberg. Ils rejoindront finalement le giron des adultes fraîchement crashés et va-t-en-guerre, avant d’essaimer leurs héros à la découverte des cités et des royaumes sortis du branle-bas post-apocalyptique.

C’est d’ailleurs tout le génie des scénaristes d’imaginer pour la saison 2 l’apparition en contre point de la horde sauvage d’une nouvelle communauté au vernis civilisé ayant survécu à la catastrophe nucléaire dans les galeries sous-terraines du Mont Weather - en Virginie - et d’opposer aux natifs qui ont résisté aux radiations, une « race pure » mais inadaptée à la vie au grand jour et toujours confinée dans ses sous-sols à pratiquer des recherches barbares en laboratoire pour produire un antidote.

Robinsonnade. Dystopie. Le récit fraye aussi avec le genre Post-Apocalyptique très en vogue en littérature Young Adult. Quelles qu’en soient les causes – pandémie, catastrophes écologiques, conflit nucléaire, etc – l’humanité courre à sa perte. Ce n’est déjà plus de la science-fiction, c’est de l’actualité ! Une actualité si anxiogène qu’on en a intégré la fatalité. Pas la peine de perdre sa salive en de vaines descriptions, la fin du monde est pour demain.

L’Arche abrite donc les derniers survivants croit-on. Ce n’est pas un récit d’Odyssée, d’essaimage d’une diaspora au travers de l’univers en quête d’ailleurs. Non, c’est la mystique du temps cyclique. De l’attente en orbite et de la régénération de la planète, dans le souvenir idéalisé de la Terre et de sa civilisation qui imprègnent toujours les manuels scolaires du bord.

Mais sur Terre d’autres ont survécu. Dans la série, ces « natifs » sont présentés comme une horde sauvage tout droit venue de l’univers de Mad Max. Pas de loqueteux, de misérables faméliques, de crasseux. Des tribus, des meutes de guerriers, rudes, violents, armés jusqu’aux dents, masqués, bardés de cuir, recouverts de tatouages et de peintures de guerre. Mais au final pas pire que les « sauvageons » envoyés sur Terre et qui répondent du tac-au-tac aux agressions par la loi du talion. Vivre ou périr. L’alternative de la diplomatie passe vite aux oubliettes.

On échappe par contre aux décors post apocalyptique habituels. Aux univers chtoniens stériles, aux vestiges du passé, à la désolation de l’hiver nucléaire, aux ténèbres, aux fumées, à la poussière, à la suie, au monde du silence et de l’immobilité. Non, la Terre s’être refaite une virginité. Elle est bien verte, bien luxuriante. Juste émaillées de quelques mutations de la faune et de la flore pour le fun comme dans « After Earth » de Night Shyamalan. Et pas une décharge comme dans Wall-e !

Kass Morgan, quant à elle, dépeint le régime d’une communauté agricole paisible. Rustique. Des suricates. Sortie récemment de son abri antiatomique pour recoloniser gentiment la planète. Mais Kass Morgan fait de la guimauve. Elle joue au yo-yo sentimental avec ses personnages - Je t’aime moi non plus – et avec les lecteurs ou plutôt les lectrices. Après s’être aimés, haïs, embrassés, rejetés, une fois la paix définitivement instaurée entre « Les 100 » et les natifs, Clarke et Bellamy décident de convoler en juste noce. Point final d’un supplice de 1500 pages. Ouf !

J’ai croyais lire une robinsonnade ou une dystopie voir un récit post-apocalyptique – c’est un jeu de poupées russes ! - et je ne lisais en fait que de la chick-lit, littéralement de la littérature pour poulette. De l’Harlequin quoi ! Y’a pas d’malaise. Y’a méprise sur l’article ! Je n’avais encore rien lu de tel ou en tout cas pas dans de telllles longueurs.

Kass Morgan s’adresse à des jeunes femmes et déroule sur des pages et des pages et des pages son roman en actionnant tous les rouages du genre. Une chorale de 4 personnages dont on suit les « points of vue » : Wells, Glass, Bellamy, Clarke. La rencontre des contraires, la passion, les obstacles amoureux, les doutes, les trahisons, les malentendus. Le tout servi sur un ton léger pour une lecture détente, une lecture de loisir. C’est un style méprisé mais je ne suis pas snob. Pas en maillot de bain. Sur un transat. Sous un parasol. Sur cette plage de sable fin où mon p’tit cœur de midinette palpite. Où j’imagine déjà ce que je vais bien pouvoir écrire…et lire…

 

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